En pleine canicule, les Espagnols se rendront, dimanche 23 juillet, dans les bureaux de vote afin de choisir leurs députés, lors d’élections législatives anticipées. Un scrutin aux allures de coup de poker pour le chef du gouvernement espagnol, Pedro Sanchez.
Le responsable socialiste, au pouvoir depuis 2018, a convoqué ces élections après la série de revers subie par la gauche lors du double scrutin municipal et régional du 28 mai dernier, au profit des conservateurs du Parti populaire (PP, droite). Ils ont arraché à la gauche de nombreuses mairies et régions du pays. L’extrême droite, représentée par le parti Vox – dirigé par Santiago Abascal –, avait, elle aussi, effectué une percée.
Le lendemain de cette débâcle électorale, Pedro Sanchez avait, à la surprise générale, annoncé la dissolution du Parlement et la convocation d’élections législatives anticipées, alors qu’elles devaient initialement se tenir à la fin de l’année.
Le chef du gouvernement espagnol sortant remet ainsi son poste en jeu. Un fauteuil qu’il pourrait perdre en cas de défaite de la gauche lors de ce scrutin législatif. France 24 en analyse les enjeux avec Maria Elisa Alonso, politologue et enseignante-chercheuse à l’Université de Lorraine, spécialiste de l’Espagne et de l’Amérique latine.
Maria Elisa Alonso : Depuis des mois, il y a un discours anti-Sanchez qui est présent, émanant du PP ou de Vox. L’opposition a fait campagne contre Sanchez, avec l’intention d’abroger toutes les mesures qu’il a prises. On peut voir dans la presse, « ‘finir avec le ‘Sanchismo’ ». C’est autour de cette question que toute la campagne a tourné.
L’opposition a notamment reproché à Pedro Sanchez d’avoir fait appel à un certain parti indépendantiste basque, l’EH-Bildu, pour approuver, par exemple, la loi du logement.
Paradoxalement, l’économie n’est pas un enjeu crucial du scrutin. Les résultats économiques sont bons. L’inflation ne s’envole pas. L’Espagne se porte bien. L’opposition n’a aucun intérêt à inclure ce sujet, tout comme les questions internationales, dans la campagne.
En revanche, ce qui a été mis en avant durant la campagne, ce sont les questions sociales et celles liées, par exemple, aux droits LGBT, à l’euthanasie…tout ce qui a un rapport avec les principes ‘traditionnels’ en quelques sortes. S’il arrive au gouvernement, le PP a déjà dit, qu’avec ou sans Vox, il souhaiterait réformer la loi concernant les droits des LGBT, ou abrogerait la loi de l’euthanasie.
Que disent les sondages sur les intentions de vote ?
Selon tous les sondages, le Parti populaire (PP) gagnerait les élections. Le parti socialiste (PSOE) arriverait en deuxième position, à quelques encablures du PP. L’Espagne est une société très polarisée, ce qui explique qu’il y ait une différence minimale entre les deux forces.
Pour être investi président (du gouvernement, ndlr), il faut avoir une majorité au sein de la chambre des députés (176 députés). Tous les sondages donnent, en ce moment, autour de 150 députés pour le Parti populaire, ce qui ne constitue pas la majorité absolue. Tout dépendra de la force politique qui arrivera troisième du scrutin. C’est là que tout va se jouer.
Différents sondages donnent parfois Vox, parfois Sumar (coalition de gauche, ndlr) en troisième position, à un ou deux députés de différence. Donc tout peut arriver. Et on ne peut pas dire avec certitude qui arrivera en troisième position. Ça va se jouer à quelques voix près. Tout semble confirmer que ce sera le PP qui gagnera les élections, reste à voir s’il aura besoin de Vox.
Pedro Sanchez a-t-il ses chances malgré la débâcle de la gauche aux municipales et aux régionales ? Quels sont ses atouts ?
Je pense qu’il peut rester au pouvoir. Après le double-scrutin municipal et régional, on a vu que le PP a eu besoin de Vox pour former des gouvernements de coalition à l’échelle régionale et locale. Et durant la campagne, Pedro Sanchez a utilisé la peur de l’arrivée de l’extrême droite au gouvernement pour mobiliser l’électorat de gauche, qui est par nature démobilisé en général. Pedro Sanchez ne joue pas sur sa popularité.
Par ailleurs, le PP n’a que Vox comme allié naturel, et peut-être aussi une ou deux petites forces régionales, mais qui ne représentent pas beaucoup de députés.
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En revanche, Pedro Sanchez peut s’associer avec Sumar et des partis régionaux et locaux. Il a un éventail de possibilités beaucoup plus large que le PP. Par exemple, le leader du parti nationaliste basque (PNV) – formation néo-libérale assez proche du PP sur les questions économiques –, a dit qu’il ne soutiendra jamais le PP si Vox fait partie du programme de coalition.
En cas de défaite de la gauche, et de victoire du Parti populaire, ces derniers devront-ils nécessairement faire une alliance avec l’extrême droite ?
S’il n’arrive pas à avoir 176 députés, le PP sera forcément obligé de faire alliance avec Vox. Il l’a déjà fait à la suite des élections municipale et régionale. Par exemple, dans la région d’Extremadura (Estrémadure, ouest de l’Espagne, ndlr), la présidente a été investie grâce à une coalition avec Vox.
En outre, l’électorat du PP ne perçoit pas de façon négative cette connexion entre les deux forces politiques. Il faut rappeler que le leader de Vox a été un leader du PP, dans la région du Pays basque, pendant vingt ans.
Mise à part certaines choses propres à l’extrême droite, comme la négation du changement climatique ou la non-reconnaissance de la violence machiste, ils sont assez proches d’autres principes avec le PP, comme la loi sur l’euthanasie ou certaines questions économiques.