Le président kazakh Kassym-Jomart Tokaïev sera en visite à Paris mardi 29 et mercredi 30 novembre pour renforcer les liens entre la France et ce pays d’Asie centrale, une région hautement stratégique que Paris et l’Europe ne veulent pas laisser aux influences russes, chinoises, turques ou américaines.
Tout juste réélu, M. Tokaïev a choisi de venir à Paris au lendemain d’une visite à Vladimir Poutine à Moscou ce lundi 28 novembre.
Le Kazakhstan, pays traditionnellement dans la sphère d’influence russe, a jusqu’à présent adopté une posture d’équilibre sur la guerre en Ukraine, en ne soutenant pas Moscou sans pour autant se placer sur la ligne occidentale.
La visite « aura un objectif très politique et stratégique », fait-on valoir à l’Elysée. Il s’agit « de consolider notre relation, d’amplifier notre dialogue dans un contexte difficile aussi pour les pays d’Asie centrale », explique-t-on. D’ailleurs, cette visite survient moins d’une semaine après la venue d’un autre chef d’Etat de la région, le président ouzbek Chavkat Mirzioïev.
« Nous continuons de (…) montrer à nos partenaires d’Asie centrale toute l’importance que nous accordons à leur région qui est aujourd’hui coincée entre la Chine et la Russie, et qui a besoin de s’ouvrir de nouveaux horizons », indique l’Elysée, rappelant que la France et le Kazakhstan ont un partenariat depuis 2008.
Et, preuve supplémentaire de l’intérêt français pour cette zone pivot, Emmanuel Macron s’est entretenu samedi avec un autre chef d’Etat de la région, Emomali Rahmon, président du Tadjikistan.
« Partenaire énergétique fiable »
Entre MM. Macron et Tokaïev, « l’Ukraine sera haut dans l’agenda, de même que la situation en Asie centrale, le sujet de la connectivité (routes commerciales, NDLR), l’Afghanistan », pays en crise aux mains des talibans, estime une source gouvernementale kazakhe. Le président français a aussi abordé le dossier afghan avec M. Rahmon, selon l’Elysée.
Côté économie, des accords pourraient être annoncés dans le domaine de l’énergie, des transports et peut-être des infrastructures car le Kazakhstan entend jouer un rôle croissant dans les flux de marchandises entre l’Europe et la Chine.
« L’intérêt des Européens pour l’Asie centrale, ce sont les ressources énergétiques alors que les hydrocarbures russes sont sous embargo (…), et les corridors de transport entre la Chine et l’UE », résume pour l’AFP Michael Levystone, chercheur associé à l’Ifri spécialiste de l’Asie centrale. De l’autre côté, « les sanctions contre l’économie russe incitent les pays d’Asie centrale à vouloir diversifier leurs partenariats sur la scène internationale ».
« À la lumière des incertitudes actuelles en matière de sécurité énergétique en Europe, par exemple, le Kazakhstan est déterminé à continuer à jouer un rôle de partenaire énergétique fiable et digne de confiance », selon la source kazakhe.
Nucléaire, photovoltaïque, terres rares, infrastructures… Le Kazakhstan entend multiplier les facteurs de liens avec la France et l’Europe, un acteur parmi tant à miser sur l’Asie centrale. La Russie, la Chine, la Turquie, ainsi que les Etats-Unis lorgnent sur cette région stratégique.
À Paris, « nous attendons la signature de plusieurs accords commerciaux », selon la source kazakhe, citant un accord pour la montée en puissance de l’usine de locomotives d’Alstom à Astana, ou un autre pour une installation photovoltaïque dans le sud du pays.
Des discussions sont également attendues dans le domaine du nucléaire puisque le pays, un des principaux exportateurs d’uranium, veut se doter d’une centrale de production d’énergie nucléaire, a précisé la source.
Corridor central
Enfin, les deux pays pourraient avancer sur le projet de « corridor central », qui doit ouvrir un nouveau vecteur de commerce entre l’Europe et l’Asie alors que la route du Nord passe par la Russie mise au ban par l’Occident, et que l’Iran, également sous sanctions, verrouille le sud de la Caspienne. « C’est le prochain point fort de notre relation avec l’Europe », estime la source kazakhe.
« La réactivation du projet de corridor central est une des nombreuses conséquences géopolitiques importantes de la guerre de la Russie en Ukraine », selon l’institut allemand SWP, qui note l’importance de la Turquie dans ce projet.
Ankara multiplie son activité dans la région, mettant en avant ses liens historiques, culturels et économiques avec l’Asie centrale, notamment via l’Organisation des Etats turciques (OET).
L’Union européenne dispose, elle, de son initiative « Global Gateway » qui prévoit des investissements massifs notamment dans des projets de connectivité et d’infrastructures, et n’entend pas se faire évincer de la région.
« L’Asie centrale est au cœur des événements, à la fois en termes géostratégiques et géo-économiques », a récemment déclaré le diplomate en chef de l’UE, Josep Borrell.
Source: Euractive