Une page Facebook qui serait gérée par ou au moins liée à Mukhtar Ablyazov, un homme d’affaires kazakh et fugitif, est occupée ces jours-ci, publiant régulièrement des critiques sur l’invasion russe de l’Ukraine. De plus, plusieurs messages ont également critiqué le gouvernement kazakh, affirmant qu’il aidait Moscou à échapper aux sanctions.
La critique de tout gouvernement concernant sa position sur la guerre est juste, mais elle est problématique quand Ablyazov le fait, car il est accusé d’avoir détourné environ 7,5 milliards de dollars de son pays.
Ablyazov est l’ancien président de la banque BTA et un ancien ministre de l’énergie. L’affaire contre Ablyazov est fascinante d’un point de vue juridique international, car plusieurs gouvernements sont impliqués.
Les développements juridiques les plus récents concernant cette affaire complexe ont eu lieu au début du mois de mars. Son ancien employeur dans un communiqué de presse de mars a expliqué que plusieurs États-Unis. les tribunaux ont statué contre Ablyazov et il a été condamné à rembourser au Kazakhstan des milliards de dollars.
Outre le récent jugement d’un U.S. tribunal, un tribunal russe a également déclaré Ablyazov coupable par contumace en décembre 2020. Il a été condamné à 15 ans pour le détournement de 790 millions de dollars, entre 2006 et 2009. Quant aux déboires juridiques d’Ablyazov au Kazakhstan, en 2017, il a été condamné par contumace à 20 ans pour détournement de fonds. De plus, en novembre 2018, il a été reconnu coupable d’avoir ordonné le meurtre de Yerzhan Tatishev, un banquier et ancien partenaire commercial en 2004. Ablyazov a été condamné à la prison à vie.
Ablyazov a fui le Kazakhstan vers Londres, où il a obtenu l’asile, et de là vers la France. Les autorités françaises lui ont également accordé l’asile politique en 2020. Il est très peu probable qu’Ablyazov soit extradé vers le Kazakhstan.
Ablyazov a nié toutes les accusations portées contre lui. Il se considère comme un leader de l’opposition et critique fréquemment l’ancien président Noursoultan Nazarbaïev et Kassym-Jomart Tokaïev, l’actuel président. Il est le chef du Choix démocratique du Kazakhstan, que les autorités ont qualifié de groupe extrémiste. Ablyazov possède également une société de presse, 1612 Info, qui a une présence active sur les réseaux sociaux.
Ablyazov a-t-il joué un rôle dans les manifestations de janvier ?
En janvier, des manifestations massives ont éclaté au Kazakhstan, commençant dans la région de Mangystau puis s’étendant aux grandes villes. Dans une interview accordée à Reuters alors que les manifestations s’étendaient, Ablyazov a expliqué : « Lorsque le nombre de manifestants atteindra le nombre nécessaire, lorsque la résidence [présidentielle] sera capturée, je viendrai diriger le gouvernement intérimaire. Pour ce faire, nous avons des partisans et des militants au Kazakhstan de cette façon pour moi… J’ai l’intention de diriger le gouvernement intérimaire pendant six mois, puis d’organiser des élections législatives… créer [une] république parlementaire sans présidents. C’est le programme d’action que j’annonce.
Néanmoins, il semble que le rôle d’Ablyazov dans les manifestations ait été plus limité qu’il ne l’a proclamé. Le Programme sur les nouvelles approches de la recherche et de la sécurité en Eurasie a tenu sa conférence annuelle en mars à Washington. La réunion comportait un panel intitulé « Les troubles au Kazakhstan et leurs implications » qui a discuté des causes des troubles. Au cours d’une session de questions-réponses, j’ai posé aux panélistes une question sur le rôle d’Ablyazov pendant les manifestations. Les panélistes ont tous convenu qu’il n’avait joué aucun rôle.
De plus, j’ai trouvé peu de choses suggérant qu’Ablyazov ait été intimement impliqué dans les troubles de janvier. On peut en déduire que sa déclaration à Reuters était une tentative de tirer profit des troubles.
Les déboires juridiques d’Ablyazov
Outre la décision de mars, il est important de noter que le 18 octobre 2021, les États-Unis La juge de district Alison J. Nathan du district sud de New York a rejeté diverses objections déposées par Ablyazov et Ilyas Khrapunov, son gendre. Ils ont également été sanctionnés pour leur faute lors du litige intenté par la banque BTA et la ville d’Almaty.
Fin 2020, un tribunal britannique a également lié des actifs gelés à Ablyazov, « dans des comptes bancaires dans une demi-douzaine de pays, des participations dans des hôtels de luxe et une franchise Burger King ».
Mukhtar Ablyazov nie systématiquement toutes les accusations portées contre lui et se qualifie de chef de l’opposition qui veut apporter des changements au Kazakhstan. Il a ouvertement et régulièrement critiqué l’invasion de l’Ukraine par la Russie et lie les politiques expansionnistes russes à l’avenir du Kazakhstan. En revanche, les poursuites judiciaires à son encontre sont assez accablantes. Les tribunaux du Royaume-Uni, des États-Unis et même de Russie l’ont reconnu coupable de crimes financiers, ou du moins ont gelé certains de ses avoirs. Alors que son avenir en France semble assuré compte tenu des récents développements, les ennuis judiciaires de Mukhtar Ablyavov se poursuivent.
Source: Internatonal Policy Digest