Pas de consensus au sein des Vingt-Sept. La Commission européenne a annoncé jeudi 16 novembre qu’elle allait renouveler l’autorisation du glyphosate dans l’UE pour dix ans, à la suite d’un vote des États membres qui n’a pas permis de dégager de majorité sur le sort de cet herbicide controversé.
« Conformément à la législation de l’UE et en l’absence de la majorité requise dans un sens ou dans l’autre, la Commission est tenue d’adopter une décision avant le 15 décembre 2023, date d’expiration de la période d’approbation actuelle », explique l’exécutif européen dans un communiqué. « La Commission, en collaboration avec les États membres de l’UE, va maintenant procéder au renouvellement de l’approbation du glyphosate pour une période de dix ans, sous réserve de certaines nouvelles conditions et restrictions. »
Un « cancérogène probable » selon l’OMS
La Commission a proposé de renouveler son feu vert après le rapport d’un régulateur européen estimant que le niveau de risque ne justifiait pas d’interdire l’herbicide controversé. Elle prévoit quelques garde-fous et interdit l’usage de cette substance pour la dessiccation – épandage pour sécher une culture avant récolte.
Le glyphosate, substance active de plusieurs herbicides – dont le Roundup de Monsanto, très largement utilisé dans le monde – avait été classé en 2015 comme « cancérogène probable » par le Centre international de recherche sur le cancer de l’Organisation mondiale de la santé. Á l’inverse, en juillet, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) a indiqué n’avoir pas identifié de « domaine de préoccupation critique » chez les humains, les animaux et l’environnement susceptible d’empêcher l’autorisation de l’herbicide, tout en reconnaissant un manque de données.
Le groupe allemand Bayer, qui a acquis Monsanto en 2018, s’est réjoui de l’annonce de la Commission. « Cette nouvelle autorisation nous permet de continuer à fournir aux agriculteurs de toute l’Union européenne une technologie importante pour la lutte intégrée contre les mauvaises herbes », a déclaré un porte-parole.
Comme lors d’un premier vote le 13 octobre, la majorité qualifiée requise pour valider ou rejeter la proposition de la Commission – soit 15 États sur 27, représentant au moins 65 % de la population européenne – n’a pas été atteinte jeudi.
« Trahison »
Sept pays, dont la France – première puissance agricole de l’UE –, l’Allemagne et l’Italie, se sont abstenus, selon des sources diplomatiques, tandis que 17 ont voté pour et trois s’y sont opposés (dont le Luxembourg).
La France « regrette » que la Commission européenne n’ait pas pris en compte ses propositions visant à restreindre l’usage de cet herbicide controversé, a réagi le ministère français de l’Agriculture. « La France n’est pas contre le principe du renouvellement de la molécule », écrit le ministère. Depuis des mois, le gouvernement français répète qu’il ne peut y avoir d’interdiction sans solution. Mais Paris « veut réduire rapidement son usage et encadrer l’utilisation de la molécule, pour en limiter les impacts, et la remplacer par d’autres solutions chaque fois que c’est possible », ajoute le ministère.
Mercredi, le ministre français de l’Agriculture Marc Fesneau avait redit qu’une interdiction totale de l’herbicide n’était « pas possible » à l’heure actuelle faute d’alternative pour les agriculteurs. « Il faut reconnaître qu’il y a des usages pour lesquels nous sommes aujourd’hui en impasse. On continuera à défendre au niveau européen la volonté de réduire l’usage du glyphosate et en même temps de prendre acte des situations d’impasse dans lesquelles nous nous trouvons », avait-il déclaré devant le Sénat.
Pour les ONG Foodwatch et Générations futures, « cette position est une trahison, sans surprise, de la promesse faite par le président de la République (Emmanuel Macron) en 2017 ». Elles estiment que le renouvellement de l’autorisation « va à nouveau à l’encontre du principe de précaution alors que les preuves de la dangerosité du glyphosate pour l’Homme et pour l’environnement continuent de s’accumuler ».