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Comment Paris-2024 veut relever le défi des Jeux « les plus verts » de l’Histoire

Ces Jeux olympiques et paralympiques seront « historiques pour le climat« , répète sans cesse le président du Comité d’organisation de Paris-2024 (Cojo), Tony Estanguet. « Les Jeux olympiques seront verts », abonde la maire de Paris, Anne Hidalgo, qui rappelle régulièrement que l’écologie était un point central de la candidature de la capitale pour accueillir l’événement. À un an du coup d’envoi, et alors que plusieurs polémiques sont venues entacher ces promesses vertes ces derniers mois, où en est cet objectif ? Paris-2024 parviendra-t-il à être à la hauteur de ses ambitions ?

Car la barre a été placée haut : réduire de moitié l’empreinte carbone des Jeux par rapport aux éditions précédentes. Rio, en 2016, et Londres, en 2012, avaient émis respectivement 3,6 millions et 3,4 millions de tonnes équivalent CO2, l’unité utilisée pour mesurer les émissions de gaz à effet de serre. Les organisateurs se sont donc fixé un budget carbone total à ne pas dépasser de 1,5 million de tonnes de CO2. C’est encore moins que les JO de Tokyo, privés de spectateurs en raison de l’épidémie de Covid-19, et qui avaient atteint 1,9 million de tonnes en 2021.

« Nous voulons montrer qu’un autre modèle est possible et créer un héritage au service du sport et des grands événements. On n’a pas la prétention de dire qu’on est parfaits, mais nous voulons montrer qu’on peut faire les choses différemment », résume Georgina Grenon, directrice de l’excellence environnementale pour Paris-2024.

Un budget carbone prédéfini

« Déjà, notre démarche est novatrice », salue-t-elle. « Jusqu’à présent, les Jeux étaient organisés et le bilan carbone était calculé après, dans un second temps. Cette fois-ci, nous avons voulu avoir une ligne claire, chiffrée, et s’y tenir. » Selon la directrice, le budget carbone se répartit ainsi en trois pôles distincts : les déplacements (34 %), les constructions (33 %) et les opérations – restauration, hébergement, logistique, etc. (33 %).

« La dynamique est la bonne et l’objectif affiché paraît aligné avec les objectifs de l’accord de Paris« , félicite Maël Besson, spécialiste en questions environnementales liées au sport et ancien responsable à WWF. Un constat partagé par Alexandre Joly, expert énergie et climat chez Éclaircies, un collectif regroupant des spécialistes de la transition écologique. Ce dernier regrette cependant une « opacité » derrière les chiffres avancés par le Cojo. « La méthodologie qui a permis d’avancer cet objectif de 1,5 million de tonnes de CO2 n’a pas été rendue publique, nous ne savons donc pas sur quelles hypothèses il se base », dénonce-t-il. « Nous ne savons pas non plus où nous en sommes aujourd’hui de ce budget carbone et ce qui a déjà été consommé. »

Sans entrer dans plus de détails, du côté de Paris-2024, on assure qu’à un an du top départ des JO, tout se passe comme prévu. « Comme Tony [Estanguet] aime le dire, on est dans les temps de passage, même s’il nous reste des choses à faire », rassure Georgina Grenon en riant.

L’atout infrastructures

Pour réaliser les Jeux olympiques « les plus verts de l’Histoire », les spécialistes interrogés par France 24 s’accordent à dire que les organisateurs bénéficient d’un atout majeur : ils peuvent compter sur un maximum d’infrastructures déjà existantes ou temporaires. L’athlétisme aura lieu au Stade de France (en Seine-Saint-Denis), le cyclisme au vélodrome de Saint-Quentin-en-Yvelines (Yvelines), certaines épreuves de basket à Bercy ; le Grand palais éphémère, au Champ-de-Mars (à Paris même), accueillera de son côté le judo ou encore le rugby-fauteuil… Au total, 95 % des sites des JO sont déjà construits.

Seulement trois structures doivent sortir de terre spécialement pour l’événement : le centre aquatique de Saint-Denis, le village des athlètes et celui des médias. De quoi reléguer très loin le mauvais souvenir des « éléphants blancs » des Jeux d’Athènes en 2004 ou de Rio en 2016. Pour l’occasion, plusieurs infrastructures sportives et culturelles gigantesques avaient été construites avant d’être laissées à l’abandon quelques mois plus tard car trop coûteuses à entretenir ou à réemployer.

Par ailleurs, Georgina Grenon l’assure, les techniques utilisées pour les constructions sont à la pointe de l’écologie. Avec là encore, un objectif chiffré qui prévoit de ne pas dépasser les 700 kg équivalent CO2 par mètre carré, contre une tonne en moyenne.

« C’est clairement le point fort de ces Jeux olympiques et ce qui permettra de baisser drastiquement son empreinte carbone », salue Alexandre Joly. D’autant plus qu’en parallèle, Paris-2024 s’est lancé dans un chantier colossal dans le domaine des énergies. Les organisateurs espèrent raccorder toutes les infrastructures sportives au réseau électrique public et en finir avec le diesel.

Aujourd’hui, les soirs de match, l’éclairage du Stade de France tourne en effet avec des groupes électrogènes alimentés au pétrole. Pour les JO, ces derniers devraient être relégués à un usage de dernier recours et fonctionner plutôt avec du biocarburant. La mesure permettrait d’économiser pas moins de 13 000 tonnes de CO2, avance le Cojo.

Pas de plastique à usage unique, seconde main…

Autre atout écologique de ces Jeux : « Les autres enjeux environnementaux, notamment la question des pollutions, ont été mieux pris en compte dans les différentes opérations », salue Maël Besson, l’expert sport et environnement.

Sur la question de la pollution, le Comité d’organisation met par exemple en avant ses efforts pour favoriser le réemploi et l’économie circulaire. « Les 42 000 chaises, 10 000 tables de bureau, 6 000 étagères ou encore les 800 postes de travail utilisés pour les JO seront récupérés après l’événement. Les trois quarts seront revendus en seconde main ou donnés, une partie sera recyclée ou réutilisée pour fabriquer d’autres produits », détaille Georgina Grenon.

Concernant les 13 millions de repas qui seront servis, le Cojo affiche l’ambition de servir des assiettes avec 25 % de produits provenant de moins de 250 kilomètres des sites olympiques et de multiplier par deux l’offre végétale. « C’est symbolique, la restauration ne représentant que 1 % du budget carbone des Jeux », rappelle Maël Besson. « Mais c’est important, car cela véhicule de bonnes pratiques. »

De son côté, Alexandre Joly, d’Éclaircies, regrette de nouveau une communication « opaque ». « Sur le papier, toutes ces mesures sont très bien. Mais où en sommes-nous concrètement dans leur mise en place ? Nous savons que Paris-2024 a demandé à ses partenaires de respecter une charte écologique. À quel point celle-ci est-elle contraignante ? », questionne-t-il, préférant se montrer prudent. « Nous ne pourrons mesurer l’empreinte carbone réelle qu’après les Jeux. Dans l’état actuel des choses, l’impact de ces mesures est impossible à déterminer. »

D’autres projets ont par ailleurs attiré de nombreuses critiques de la part de défenseurs de l’environnement. Parmi eux, le plus symbolique est la bétonisation des jardins ouvriers d’Aubervilliers pour accueillir la piscine olympique. De même, pour sortir de terre le village des médias à Dugny, en Seine-Saint-Denis, sept hectares de parc ont dû être bétonnés et des arbres vieux de 40 ans ont dû être abattus. Deux mesures perçues comme une grave atteinte à la biodiversité.

Les transports, l’ombre au tableau

« Surtout, l’empreinte carbone réelle des Jeux ne peut pas être calculée sans prendre en compte le poste d’émission le plus important : celui des transports », insiste Alexandre Joly.

Certes, les différents sites parisiens accueillant les JO sont censés être situés dans un rayon de 10 kilomètres autour du village olympique et tous être desservis par les transports en commun, « mais cela ne règle pas la question de l’acheminement des millions de spectateurs et d’athlètes venus du monde entier », poursuit le spécialiste. « C’est aujourd’hui une énorme incertitude qui peut venir mettre à mal les autres efforts faits », conclut-il.

Comme la Coupe du monde de football 2022 au Qatar avait été pointée du doigt pour les allers-retours en avion de ses spectateurs depuis les pays voisins, comment empêcher des visiteurs internationaux de se rendre à Paris par les airs ? Les pays de provenance du public ne seront pas connus avant la fin de la vente des billets, à la fin de l’année 2023. En attendant, les organisateurs assurent vouloir « encourager le train » mais sans annoncer, pour le moment, de mesures concrètes. « On a encore un an. Les billets ne sont même pas encore en vente », se défend Georgina Grenon, concédant que le Cojo a peu de pouvoir sur cette question.

Financer des projets carbone

Reste aussi l’épineuse question de la compensation carbone. Paris-2024 ne promet plus d’organiser « les premiers Jeux à contribution positive pour le climat » – c’est-à-dire d’éliminer davantage d’émissions de gaz à effet de serre que celles générées par l’événement – ni même des Jeux « neutres carbone ». « Nous avons suivi les consignes de l’Agence de la transition écologique (Ademe) qui insiste sur le fait que la notion de « neutralité carbone » n’a de sens qu’à l’échelle de la planète ou d’un pays », explique Georgina Grenon. « Mais sur le fond, notre objectif ne change pas : nous souhaitons toujours contribuer à des projets de lutte contre le dérèglement climatique à hauteur de notre budget carbone. »

Le principe de cette compensation carbone est simple. Après avoir émis des gaz à effet de serre, une entreprise finance un projet – une plantation d’arbres, par exemple – capable de retirer la même quantité de gaz de l’atmosphère. Cette pratique est cependant souvent décriée par les associations de défense de l’environnement, qui la perçoivent comme une technique de « greenwashing », l’impact de ces financements étant difficiles à mesurer.

« Nous ne répondons qu’à des projets qui répondent aux plus hauts standards de certification », se défend Georgina Grenon, évoquant un projet à l’international et un autre en France, à travers le dispositif national Label bas-carbone, sans donner plus de détails.

Des changements plus radicaux

« À la fin, Paris-2024 sera certainement le modèle le plus vert possible dans le format actuel des JO », résume Maël Besson. « Je le vois comme une bonne étape. Maintenant, ce qu’il faudrait pour vraiment répondre à l’urgence climatique à long terme, c’est réfléchir à un changement en profondeur de la compétition. »

« Tant qu’on restera dans un événement de cette ampleur, il ne pourra pas être 100 % écologique, peu importe les efforts mis en place. Et ce, avant tout, à cause de la question des transports », abonde Alexandre Joly. « Il faut revenir à une échelle raisonnable. Il est temps de réinventer les Jeux olympiques. »

Parmi les pistes évoquées : réduire la taille des Jeux, organiser la compétition en simultané dans plusieurs villes en privilégiant un public local ou encore créer des « hubs de convivialité », partout dans le monde, pour profiter de l’événement sur grand écran. « Une bonne option, alors que la majorité des spectateurs vibrent déjà uniquement en regardant la télévision ! », rappelle Alexandre Joly.

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