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L’armée russe tente de partir à l’assaut de la contre-offensive ukrainienne

Il se passe quelque chose d’étrange dans la région de Koupiansk, une ville au sud-est de Kharkiv. À cet endroit de la ligne de front, à l’extrémité nord de l’effort de contre-offensive ukrainienne, les Russes attaquent, a affirmé le New York Times, mardi 25 juillet.

Une anomalie, à première vue, si l’on s’en tient au récit de la guerre qui domine depuis un mois : l’armée ukrainienne tente d’avancer, tandis que Moscou se concentre à 100 % sur la défense. 

Beaucoup de soldats au même endroit

Pas de doute possible cependant, « ils nous attaquent constamment. Certains jours, ils tirent sans s’arrêter du matin au soir », a assuré au New York Times un lieutenant ukrainien en poste dans la région de Koupiansk.

Ces efforts russes concentrés principalement autour de trois villes à l’est de la rivière Oskil – Koupiansk, Svatove, Kremina – semblent, en outre, avoir porté quelques fruits. Les forces russes « ont fait des avancées dans ces régions », a constaté l’Institute for the Study of War, un centre américain d’analyse militaire qui produit des notes de synthèses quotidiennes sur l’évolution de la guerre en Ukraine.

Il y aurait donc une « contre-contre-offensive » en cours ? Et ce, alors même que l’Ukraine semble avoir lancé un « effort majeur » pour faire céder les lignes de défense russe dans la région de Zaporijjia, d’après les affirmations de plusieurs médias occidentaux mercredi 26 juillet.

En fait, Moscou a choisi la région de Koupiansk depuis plusieurs mois pour y stationner une part importante de ses forces. « Depuis janvier, ils y ont fait venir environ 100 000 soldats et près de 900 chars à en croire les autorités ukrainiennes », explique Sim Tack, un analyste militaire pour Forces Analysis, une société de surveillance des conflits.

Une estimation ukrainienne qui paraît « quelque peu fantaisiste au regard de l’effort général russe dans le sud », tient à nuancer Huseyn Aliyev, spécialiste du conflit ukraino-russe à l’université de Glasgow. Mais cet expert reconnaît que Moscou a probablement positionné davantage de troupes autour de Koupiansk qu’ailleurs.

Et pas n’importe lesquelles. « Il semblerait que la Russie y a notamment envoyé des divisions de la première armée de chars qui est mieux équipée que d’autres unités russes », souligne Sim Tack. C’est aussi dans cette région que certaines troupes de l’infanterie marine ont été déployées. « Il y a deux ans, ces soldats étaient considérés comme l’élite de l’armée russe. Difficile de dire si c’est encore le cas », précise l’expert de Forces Analysis. 

Quoi qu’il en soit, Moscou n’a pas envoyé uniquement de la « chair à canon » dans cette région. De quoi nourrir les soupçons de « contre-contre-offensive ». « Il faut des soldats expérimentés pour réussir des percées et gagner du terrain », explique Huseyn Aliyev. 

Un choix étrange pour attaquer

Mais ce serait la plus étrange des contre-offensives. « Les Russes ont réussi à avancer, mais n’ont absolument pas envoyé ensuite des renforts pour pousser leur avantage. Ce qui n’a pas de sens, car dans ce genre d’opérations, la vitesse d’exécution est le facteur le plus important », analyse le spécialiste de l’université de Glasgow.

Et pourquoi la région de Koupiansk ? Difficile à dire. « Le but pourrait être de franchir la rivière Oksil afin d’ouvrir un chemin vers Izioum. Mais pour y arriver il faudrait mobiliser bien plus de 100 000 soldats », estime Sim Tack.

C’est une région qui semble se prêter d’autant moins à une contre-offensive car « il n’y a pas de grands centres urbains, pourtant nécessaires pour établir des nœuds logistiques tout au long de l’avancée des troupes », explique Huseyn Aliyev.

Autant de facteurs qui amènent cet expert à estimer « qu’il vaut mieux ne pas parler de contre-offensive russe, mais plutôt d’assaut d’opportunité ». À cet égard, les affrontements initiés par l’armée russe dans cette région s’intègrent à sa « stratégie de défense active », estime Sim Tack.

« Moscou avait le choix entre répartir tous ses hommes le long de la ligne de front ou tenter de déterminer un point faible ukrainien pour y amasser un grand nombre de soldats prêts à mettre la pression sur l’ennemi », résume ce spécialiste.

Les premières troupes russes qui sont arrivées à Koupiansk au début de l’année se sont rendu compte, qu’en face, l’Ukraine n’avait pas envoyé ses meilleurs soldats. « Les unités n’étaient pas les mieux équipées, et la plupart du temps l’armement datait de l’époque soviétique. De quoi en faire le point faible du dispositif ukrainien aux yeux de Moscou », souligne Huseyn Aliyev.

Choix cornélien pour Kiev

Encore fallait-il choisir le bon moment pour frapper. « Ce n’est pas une coïncidence si cet assaut intervient quand l’Ukraine semble décidée à intensifier ses efforts au sud », estime Sim Tack. La région de Koupiansk doit servir de distraction. 

Pour Moscou c’est une manière de poser une question délicate à Kiev : est-ce que l’armée ukrainienne reste concentrée à 100 % sur l’objectif de percer au sud ou faut-il redéployer une partie des troupes pour contenir les attaques russes ?

La première option oblige l’Ukraine à accepter que la région de Koupiansk demeure tout au long de la contre-offensive une épine dans le pied ukrainien, car il faudra toujours s’assurer que Moscou ne décide pas d’entamer une véritable percée dans cette zone.

Autant tenter de régler le problème une fois pour toute avant que l’armée ukrainienne n’arrive dans les zones stratégiquement les plus importantes au sud (la route vers Melitopol, par exemple). Mais envoyer des troupes vers Koupiansk signifie « priver la tête de pont de la contre-offensive de soldats qui pourraient faire pencher la balance au sud », résume Huseyn Aliyev.

Un casse-tête pour Kiev. Mais, la décision de l’armée russe de mettre autant l’accent sur Koupiansk « est très risquée et pourrait se retourner contre elle », estime Sim Tack. En effet, à partir du moment où ces unités lancent l’assaut, Kiev sait qu’elles ne pourront pas être facilement redéployées vers le sud. L’Ukraine peut en déduire que ces hommes vont manquer quelque part à l’armée russe le long de la ligne de défense. Reste à déterminer où…

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