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Remaniement AU Royaume-Uni : “Une Tentative de Redorer L’Image Des Conservateurs” Pour Rishi Sunak

Remaniement surprise au Royaume-Uni. En quête d’un nouvel élan, le Premier ministre Rishi Sunak a procédé à un renouvellement majeur de son cabinet lundi 13 novembre, en remerciant notamment la très controversée ministre de l’Intérieur Suella Braverman.

Connue pour ses déclarations outrancières, l’ancienne avocate a été évincée après avoir critiqué la police de Londres dans une tribune au Times. Elle lui reprochait d’avoir autorisé la marche pro-palestinienne, qui a rassemblé 300 000 personnes samedi 11 novembre et qu’elle définit comme « marche de la haine ». Elle a été remplacée par le chef de la diplomatie James Cleverley, qui lui-même a cédé sa place à l’inattendu David Cameron

« Rishi Sunak veut revenir vers quelque chose de plus modéré et de plus consensuel », analyse Laëtitia Langlois, maîtresse de conférences en civilisation britannique à l’université d’Angers en précisant que des élections législatives doivent se tenir au plus tard en 2025. « En limogeant une femme qui tient des propos virulents et en faisant revenir une figure plus modérée, c’est le signal d’un repositionnement vers le centre et de l’abandon de la rhétorique populiste qui enflamme le débat. »

Une conservatrice trop à droite 

Déjà ministre de l’Intérieur dans le gouvernement de Liz Truss, Suella Braverman avait été limogée le 19 octobre 2022 après avoir utilisé son email personnel pour envoyer des documents officiels. Mais Rishi Sunak l’avait renommée à nouveau à ce poste le 25 octobre 2022, afin de garder l’aile droite radicale du parti sous contrôle. Son euroscepticisme acharné et son attachement à la défense des valeurs de la droite l’ont rendue populaire auprès des membres du parti, adoptant une stratégie populiste et provocatrice, à l’image de Boris Johnson

« Sa nomination était une stratégie du Parti conservateur pour surfer sur la vague du Brexit, remporté sur un programme ultra-populiste, notamment contre l’immigration et les musulmans », explique Laëtita Langlois. « C’était une manière de se positionner à droite de l’échiquier politique et de répondre à la demande d’une partie de la population. » 

Mais les déclarations de la ministre de l’Intérieur sur la police de Londres, qui s’inscrivent dans une série de polémiques ces derniers mois, ont fini par nuire au chef du gouvernement. Elle a notamment qualifié les arrivées de réfugiés d' »invasion », averti d’un « ouragan » migratoire, et estimé que certaines personnes sans-abri dormaient dans des tentes par choix. « Son limogeage était inévitable, car sa voix discordante causait du tort à Rishi Sunak », poursuit Laëtitia Langlois. 

Son renvoi risque cependant de créer des remous au sein du parti et de renforcer les divisions internes, certains députés la soutenant ayant menacé de démissionner si elle quittait le gouvernement. Elle est d’ailleurs considérée comme une candidate potentielle pour remplacer Rishi Sunak à la tête du Parti conservateur s’il ne parvient pas à remporter les prochaines élections. Même si le départ de Suella Braverman était attendu, Rishi Sunak a retardé sa décision pendant plusieurs jours, profitant de cette période pour préparer un remaniement plus large de son cabinet.

David Cameron, le coup de poker 

Parmi les grosses surprises du remaniement, Rishi Sunak a pris tout le monde de court en rappelant son prédécesseur David Cameron au cœur de l’arène politique. Un choix qui semble confirmer la volonté du chef du gouvernement de marquer le coup pour se relancer, mais aussi de se tourner vers une ligne plus centriste.  

« David Cameron n’est pas sur la ligne Braverman et s’est toujours défini comme un partisan du ‘one-nation conservatism’ (« conservatisme d’une seule nation », en français) », explique Thibaud Harrois, maître de conférences en civilisation britannique contemporaine à l’université Sorbonne-Nouvelle. « Cette approche, plus sociale que libérale, se situe au centre droit du spectre politique. »

Mais David Cameron est une figure controversée. L’ancien Premier ministre avait convoqué le référendum sur le Brexit en 2013, espérant que le Royaume-Uni resterait dans l’Union européenne. Son échec a plongé son parti et son pays dans plusieurs années de difficultés, révélant les fractures de la société britannique. Depuis, il s’est éloigné de la politique et a surtout fait parler de lui pour son rôle de lobbyiste au profit de la société financière Greensill, dont la faillite a provoqué un scandale. 

Sa nomination est donc une surprise pour de nombreux observateurs. « David Cameron est associé à de nombreuses mesures jugées négatives par une grande partie de la population, notamment les mesures d’austérité et de réductions des dépenses publiques », rappelle Thibaud Harrois. « Cette nomination au ministère des Affaires étrangères est d’autant plus paradoxale, car David Cameron porte non seulement la responsabilité de l’organisation du référendum sur la sortie de l’UE et la responsabilité de la défaite, mais aussi celle de la rupture avec les alliés européens. »

Ce coup de poker de Rishi Sunak reste risqué et pourrait ne pas porter ses fruits. Le Parti conservateur est confronté à une série de défis, notamment une économie stagnante, une inflation élevée et une crise du système de santé. Un sondage publié ce week-end par l’institut Survation suggère que l’opposition remportera une victoire écrasante aux prochaines élections. 

« Tourner la page »

Rishi Sunak a également misé gros en nommant le chef de la diplomatie James Cleverly à l’Intérieur. Ce dernier devra assumer une politique controversée et très restrictive sur le droit d’asile, notamment le projet d’expulsion des migrants arrivés illégalement sur le territoire vers le Rwanda. Cette mesure, critiquée par l’ONU et l’Union européenne, a déjà été jugée « illégale » par la justice britannique. Elle va connaître un test clé le 15 novembre lorsque la Cour suprême se prononcera sur sa validité. 

« James Cleverly est considéré comme une figure plus apaisée et consensuelle que Suella Braverman », analyse Thibaud Harrois. « Il est donc possible qu’il essaie de tourner la page de la période de Braverman, avec un discours plus positif et plus mesuré. »

Enfin, le remaniement a été marqué par la démission de Thérèse Coffey, ministre de l’Environnement. Elle est remplacée par Steve Barclay, qui était jusqu’alors ministre de la Santé. Victoria Atkins devient ministre de la Santé et des Affaires sociales, et Laura Trott est nommée secrétaire en chef du Trésor. D’autres changements de postes pourraient intervenir.  

« Ce remaniement est une tentative de redorer l’image des conservateurs et de sortir des scandales des derniers mois. Il est cependant difficile de dire si cela suffira à convaincre les électeurs à quelques mois des élections », conclut Thibaud Harrois. 

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