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Edi Rama : “L’Accord Migratoire Avec L’Italie Crée Des Théories du Complot Car Nous Sommes Hors UE”

La Commission européenne a rendu, mercredi 8 novembre, un rapport préconisant d’accélérer l’élargissement des Vingt-Sept. Cela intéresse particulièrement notre invité, Edi Rama, Premier ministre de l’Albanie, pays officiellement candidat à l’entrée dans l’UE depuis 2014, et qui a entamé des négociations d’adhésion en 2022. À la tête du gouvernement depuis dix ans, il a récemment signé un accord migratoire avec la présidente du Conseil italien, Giorgia Meloni, qui fait couler beaucoup d’encre. 

Le 7 novembre, le social-démocrate Edi Rama a signé un accord migratoire avec la très droitière Giorgia Meloni, présidente du Conseil italien, qui prévoit d’envoyer les migrants repêchés en Méditerranée par la marine italienne dans des centres d’accueil en Albanie. À Bruxelles, on s’inquiète du respect du droit international et des droits humains, alors que l’Albanie n’est pas membre de l’Union européenne (UE) et que les centres seront, eux, sous juridiction italienne.

Selon le Premier ministre albanais, « Si le même accord avait été fait avec un pays de l’UE, personne n’en parlerait. Le fait que ça se fasse avec un pays qui n’est pas dans l’UE fait non seulement parler, mais déclenche aussi des théories du complot et des doutes qui, selon moi, ne sont vraiment pas sérieux. […]. Si on veut questionner la méthode, il faut la questionner dans tous les pays européens, parce que ces centres ne sont pas une nouveauté. Il s’agit ici d’un centre qui est dans les standards de tous les pays de l’UE […]. Peut-être que les centres d’accueil de cette nature ne sont pas la vraie solution. Mais ce n’est pas à l’Albanie de donner des leçons à l’Europe. Nous, nous apportons une petite aide à un pays qui n’est pas seulement voisin, mais avec lequel nous sommes liés très profondément depuis très longtemps », affirme-t-il.

Quant aux craintes des Albanais de voir le secteur touristique affecté par la présence de ce centre d’accueil, Edi Rama se veut rassurant : « Il s’agit d’un centre d’accueil de 3 000 places. Ça veut dire qu’il y aura 3 000 personnes par rotation en Albanie, et pas une de plus [..]. Ce n’est pas ce qui va bouleverser l’industrie du tourisme albanais ! »

Pour certaines ONG, il s’agit d’un protocole illégal qui pourrait avoir des conséquences dévastatrices pour les demandeurs d’asile, qui seraient soumis à une détention prolongée et à d’autres violations de leurs droits, et faire prospérer le trafic d’êtres humains. « Je trouve tout ça vraiment difficile à comprendre […]. Nous sommes un pays européen responsable, comme ceux de l’UE. Nous voulons apporter une contribution modeste […] et ça devient une raison pour recommencer avec la vieille litanie des mafieux et des trafiquants des droits de l’homme !”, s’insurge Edi Rama.

Adhésion ralentie par la Grèce

Le Premier ministre Albanais se félicite du dernier rapport de la Commission européenne sur l’élargissement de l’UE, qui est selon lui « en général très positif. Il marque assez objectivement tous les progrès que l’on a fait et, bien sûr, il marque aussi tout ce qu’on doit continuer à faire, parce qu’on n’est pas encore au bout de la route. »

Quant à la décision d’ouvrir les négociations d’adhésion avec l’Ukraine, pays en guerre, il considère que c’est « une décision géopolitique très forte. Une preuve du fait que l’UE essaye depuis quelque temps de devenir plus géopolitique et moins technocratique. » Mais Edi Rama manifeste également une certaine inquiétude : « Le nouveau conflit au Moyen-Orient n’a pas vraiment aidé. Il y a aussi une sorte de fatigue générale dans les opinions publiques européennes et américaines vis-à-vis de cette guerre où il faut vraiment tenir le cap. »

Quant au processus d’adhésion de l’Albanie, il est ralenti par la Grèce, qui bloque l’ouverture des cinq premiers chapitres d’adhésion du pays, en raison d’une affaire judiciaire avec le maire de la station balnéaire albanaise d’Himara, issu de la minorité grecque. Edi Rama se veut optimiste : « Je ne crois pas que ce blocage continuera, parce que ça ne serait vraiment pas très sérieux. C’est clairement une question de justice. Et nous avons progressé sur le volet judiciaire […].Nous avons une relation qui de nature stratégique avec Athènes, et je ne pense pas que ce sujet va la bouleverser. »

Plan de croissance européen pour les Balkans

La Banque mondiale prédit un taux de croissance de 3,6 % à l’Albanie en 2023, et la Commission européenne propose un plan de croissance de 6 milliards d’euros pour les Balkans, avec des moyens supérieurs aux fonds habituellement débloqués dans le cadre de la pré-adhésion des pays candidats. Edi Rama se dit « satisfait du fait que l’économie albanaise soit considérée par les institutions financières internationales comme une économie particulièrement résistante. Au moment de la crise des prix de l’énergie, notre inflation était la plus basse de la région », note-t-il. Mais l’Albanie compte sur le plan de croissance de l’UE, qui « sera très important, pas seulement pour l’Albanie, mais pour toute la région ».

Les Européens sont de plus en plus convaincus de l’intérêt géopolitique d’intégrer les pays des Balkans, mais certains problèmes importants persistent entre certains d’entre eux, comme le Kosovo et la Serbie. Pour Edi Rama, c’est « une raison de plus pour les intégrer dans l’UE. Géopolitiquement, ce serait suicidaire pour l’Union d’exclure la région, d’exclure certains pays […]. C’est la seule façon d’arriver à la paix finale dans les Balkans. » Il reconnaît qu’il y a parfois des problèmes entre certains pays, mais « le cadre général de la région est beaucoup mieux qu’il y a dix ans, […] et c’est parce qu’il y a cette attraction de l’UE dans tous les pays”.

Emission préparée par Sophie Samaille, Isabelle Romero, Juliette Laurain et Perrine Desplats

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