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Des initiatives diplomatiques en pagaille mais aucun accord de paix à l’horizon au Soudan

C’est l’un des pays en première ligne dans la guerre fratricide qui se déroule actuellement au Soudan. L’Égypte a accueilli, jeudi 13 juillet, un sommet des voisins de Khartoum et de représentants de différents groupes militaires et civils soudanais. Leur ambition ? Trouver les moyens de mettre fin au conflit qui fait rage depuis le 15 avril et a déclenché une crise humanitaire majeure dans la région.

Ce sommet visait à « mettre fin à l’effusion de sang du peuple soudanais » et aux « répercussions négatives sur les pays voisins », selon un communiqué des autorités égyptiennes, qui s’inquiètent de l’enlisement de la guerre entre l’armée régulière, fidèle au général Abdel Fattah al-Burhane, et Mohamed Hamdane Daglo, dit « Hemedti », à la tête des Forces de soutien rapide (FSR), un puissant groupe paramilitaire.

« D’un point de vue sécuritaire, les dirigeants égyptiens sont préoccupés par le risque d’infiltration de terroristes le long de la frontière », explique à Al-Jazira Alessia Melcangi, chargée de recherche à l’Atlantic Council. « Cette situation mettrait une pression supplémentaire sur les forces de sécurité égyptiennes, qui sont déjà engagées à la frontière occidentale avec la Libye et à la frontière avec la bande de Gaza pour défendre la péninsule du Sinaï.

Les échanges commerciaux intenses entre Le Caire et Khartoum souffrent également de cette crise qui intervient au pire moment pour l’Égypte, aux prises avec une situation économique catastrophique. En juin, l’inflation a atteint 36,8 % sur un an tandis que la pauvreté gagne du terrain et que la dette extérieure s’envole.

Depuis le début du conflit, les combats ont fait fuir 700 000 Soudanais vers les pays voisins, dont plus de 255 000 vers l’Égypte, selon les chiffres les plus récents publiés par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).

Face à cette situation, les sept pays limitrophes du Soudan réunis au Caire ont réclamé l’aide de la communauté internationale, qui avait promis 1,5 milliard de dollars lors d’un sommet en juin. Cette dernière « doit tenir ses promesses » et « aider les pays voisins », a martelé le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi.

Initiatives concurrentes

Après l’échec de plusieurs cessez-le-feu, l’Égypte, soutien principal de l’armée soudanaise, entendait reprendre l’initiative en dépit d’intérêts parfois contradictoires avec ses voisins au Soudan. À commencer par l’Éthiopie, dont le Premier ministre Abiy Ahmed avait fait le déplacement au Caire.

Depuis plusieurs années, l’Égypte et Addis-Abeba entretiennent des relations tendues à propos du Grand barrage de la Renaissance, un mégaprojet voulu par l’Éthiopie mais qui, selon le Caire, menace les ressources en eau des pays en aval du Nil. Un dossier sur lequel les deux rivaux tentent de s’attirer les bonnes grâces des autorités soudanaises.

« Les Éthiopiens ont une préférence pour Hemedti mais est-ce que cela signifie pour autant qu’ils vont s’impliquer dans la guerre ? Il pourrait y avoir des livraisons d’armes clandestines mais compte tenu de l’incertitude des combats, il n’y a aucune raison pour Addis-Abebba de prendre position fermement aujourd’hui », décrypte Roland Marchal, chercheur au Centre national pour la recherche scientifique (CNRS) et spécialiste du Soudan.

Les efforts diplomatiques visant à mettre fin aux combats entre l’armée soudanaise et les FSR se sont jusqu’à présent révélés inefficaces, les initiatives concurrentes créant une certaine confusion quant à la manière dont les parties belligérantes pourraient être amenées à négocier.

Le mois dernier, des pourparlers entamés à Jeddah sous l’égide de l’Arabie saoudite et des États-Unis ont été suspendus faute d’accord. Des négociations auxquelles n’ont participé ni l’Égypte, ni les Émirats arabes unis, l’un des principaux bailleurs de fonds du Soudan, réputé proche des FSR.

Des combats sans vainqueur

Un sommet a également eu lieu lundi 10 juillet à Addis-Abeba sur proposition de l’Igad, le bloc régional de l’Afrique de l’Est composé du Kenya, de Djibouti, de l’Éthiopie et du Soudan du Sud. Mais l’armée soudanaise a boycotté ce rendez-vous, dénonçant la « partialité » du président kényan, William Ruto, qui préside l’organisation.

« Hemedti et William Ruto se connaissaient avant la crise et sont en très bons termes. Hemedti a notamment placé des fonds au Kenya qui est la grande puissance financière d’Afrique de l’Est. D’où la méfiance qui n’est sans doute pas totalement illégitime de la part d’Al-Burhane », précise Roland Marchal.

Malgré les appels à faire taire le bruit des armes, les combats se poursuivent sans répit sur le terrain, notamment à Khartoum, où des millions d’habitants sont toujours bloqués souvent sans eau ni électricité et sous une chaleur accablante.

« Le problème est qu’on ne voit pas, à l’heure actuelle, une fatigue dans les combats. Pour l’instant, il n’y a pas eu de vraie victoire stratégique d’un camp ou de l’autre, des camps qui ont chacun des raisons existentielles de vouloir gagner », analyse Roland Marchal.

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La violence a également éclaté dans d’autres parties du Soudan, notamment dans la région occidentale du Darfour, où les habitants affirment que les milices des tribus arabes et les forces de sécurité soudanaises ont pris pour cible des civils en raison de leur appartenance ethnique.

L’ONU a rapporté jeudi la découverte au Darfour d’une fosse commune d’au moins 87 personnes qui auraient été tuées le mois dernier au Soudan par les forces paramilitaires et leurs alliés.

Elles seraient « des victimes des violences qui ont suivi l’assassinat du gouverneur du Darfour-Ouest, Khamis Abdullah Abakar, le 14 juin, peu après qu’il a été arrêté par les FSR », précise l’ONU.

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